Nous avons présenté, dans cette thèse, quelques aperçus de la richesse de la dynamique des surfaces vicinales hors de l'équilibre. Les premiers travaux portant sur l'étude de la dynamique non linéaire des surfaces vicinales portées hors de l'équilibre sont relativement récents et ont été initiés dans ce groupe par I. Bena et al. en 1993. Il était alors question de l'étude de la dynamique du méandre d'une marche isolée sur une surface vicinale en croissance, en présence de désorption. L'équation d'évolution dérivée pour décrire la dynamique de ce système proche du seuil de l'instabilité est l'équation de Kuramoto-Sivashinsky (KS), conduisant à une dynamique chaotique spatio-temporellement [#!Bena93!#]. Cette équation intervient dans la description de la dynamique de nombreux systèmes5.1, ce qui lui confère un caractère générique [#!Valance92b!#].
Le travail du groupe dans ce domaine a été poursuivi par l'étude de l'instabilité de mise en paquets des marches [#!Houchmandzadeh94a!#], [#!Pierre-Louis95!#], [#!Pierre-Louis97!#] en présence de désorption. Il a été montré que, proche du seuil de l'instabilité, la dynamique du profil de la surface obéit à une équation de Benney pouvant conduire à une mise en paquets régulière des marches ou à du chaos [#!Sato95a!#], [#!Misbah96!#]. L'étude du méandre des marches a été étendue au cas d'un train de marches (c'est à dire pour un ensemble de marches en interaction). Proche du seuil de l'instabilité, la dynamique obéit à une équation de type KS bidimensionnelle, anisotrope à cause du couplage entre marches à travers le champ élastique ou celui de diffusion. Ces études concernaient le cas où la désorption des adatomes de la surface est importante. Il a été montré par Pierre-Louis et al. [#!Pierre-Louis97!#], [#!Pierre-Louis98a!#] que la limite sans désorption est singulière car elle conduit à une dynamique fortement non linéaire.
L'étude de la dynamique du méandre en l'absence de désorption a été poursuivie dans le présent travail de thèse.
Nous avons aussi étudié l'instabilité de mise en paquets des marches induite par électromigration dans le cas où la désorption d'adatomes de la surface est faible et montré que la limite sans désorption conduit à un processus de mûrissement de la structure formée où la longueur d'onde de celle-ci croît dans le temps comme . La morphologie du profil de la surface ne possède alors plus de longueur caractéristique.
Nous avons aussi étudié le régime de faible désorption et montré l'existence d'un régime intermédiaire réalisant le lien
entre la limite conservée (sans désorption) et celle non conservée (avec désorption).
De nombreux progrès ont été accomplis depuis l'initiation de ces travaux en 1993 [#!Bena93!#] ; nous disposons maintenant d'une image quasiment complète de la dynamique non linéaire des surfaces vicinales hors équilibre. Cependant quelques points restent à éclaircir.
Pour l'instabilité de mise en paquets des marches, nous avons vu qu'il existait un régime intermédiaire entre le cas conservé et le cas non conservé ; existe-t-il pour l'instabilité de méandre un régime semblable permettant de faire un lien entre une dynamique conservée fortement non linéaire conduisant à l'émergence d'une structure régulière (en l'absence d'interaction élastique) et le régime dynamique non conservé donnant quant à lui naissance à un comportement chaotique ?
Des études en ce sens sont en cours.
Notre travail se limite à l'étude de la dynamique proche du seuil de l'instabilité. Que se passe-t-il loin de ce seuil ?
Pour répondre à cette question, il faut a priori intégrer numériquement les équations constitutives du modèle BCF. Si cela est aisé pour l'étude unidimensionnelle de l'instabilité de mise en paquets des marches, c'est une toute autre affaire, bien plus ardue, lorsque l'on veut y inclure l'instabilité de méandre.
Une autre approche consiste à élaborer un modèle de « champ de phase », pour décrire la dynamique de la surface vicinale. Cette approche, entièrement continue de la surface, est actuellement en élaboration au sein de notre groupe. Elle permettrait d'aborder de façon très souple des problèmes tels que celui de la nucléation bidimensionnelle encore hors de portée d'une approche telle que celle que nous avons utilisée.
Un dernier point important est que nous nous sommes restreint pour notre étude au cas de l'homoépitaxie, c'est-à-dire le dépôt sur la surface d'atomes de même espèce que ceux constituant la surface elle même. Or, pour l'élaboration de nanostructures, telles que les puits quantiques, on a besoin de faire croître des espèces chimiques différentes l'une sur l'autre. Il en résulte, à cause d'une incompatibilité de maille de réseau de chacun des composés, l'apparition de contraintes élastiques dans les couches épitaxiées. La compréhension des mécanismes de relaxation de ces contraintes est donc d'un enjeu technologique majeur. Ces relaxations peuvent donner lieu à des instabilités de surfaces majeures telles que celles conduisant à la croissance de type Stranski-Krastanov où une croissance auto-organisée de plôts est observée. L'approche, par un modèle de champ de phase, des processus de croissance devrait permettre d'inclure relativement aisément de telles contraintes élastiques.