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Introduction

L'objet de cette thèse est l'étude de la « dynamique non linéaire de surfaces vicinales hors
de l'équilibre
». Il est à rapprocher du problème plus général de la croissance cristalline dont l'importance tient à la fois des enjeux technologiques les plus actuels (domaine des « micro-technologies » ) mais aussi de la place majeure qu'il occupe dans ce qu'il est commun d'appeler « la nouvelle physique » [#!Davies94!#] et plus précisément ce qui concerne les développements de la physique non linéaire, des systèmes hors équilibre et d'une manière plus générale tout ce qui concerne les phénomènes de morphogénèse.

Un cristal atomique peut être vu en première approximation comme un empilement compact et régulier d'atomes. Il existe au sein de ce cristal des plans où l'agencement des atomes est plus dense qu'ailleurs. Ces plans atomiques denses apparaissent naturellement lorsque le cristal est coupé ; ce sont aussi des plans naturels de croissance des cristaux et forment les facettes caractéristiques observervables à l'échelle macroscopique de ceux-ci. Les surfaces atomiques correspondant à ces orientations de plans denses sont appelées surfaces nominales. Une surface obtenue par coupe dans une direction légèrement différente de celle d'un plan dense atomique s'appelle surface vicinale. À l'échelle atomique, elle se présente comme une succession relativement régulière de terrasses de largeur $ \ell$ et de hauteur atomique a$ \ell$ est relié à l'angle de désorientation $ \theta$ par : tan($ \theta$) = a/$ \ell$ (fig. [[*]]).

Figure: Représentation d'une surface vicinale « idéale » .
\includegraphics[width=10cm,angle=0]{../Images/vicinale.eps}


Ces surfaces sont couramment utilisées en croissance par épitaxie. C'est un processus de croissance cristalline qui consiste, comme son nom le laisse supposer (littéralement : croissance par « arrangement sur » ), à assurer la croissance de la surface par dépôt d'atomes. Cette déposition des atomes sur la surface peut s'effectuer de plusieurs manières ; nous étudions, dans cette thèse, la croissance épitaxiée par jet moléculaire qui consiste à bombarder la surface vicinale par un flux d'atomes. Ceux-ci finissent par s'intégrer à la surface, assurant la croissance du cristal. L'intérêt de cette méthode est la possibilité de pouvoir contrôler la croissance cristalline à l'échelle atomique et ainsi de réaliser les structures complexes utilisées en microélectronique telles que les puits quantiques. La connaissance fine des processus physiques mis en jeu lors de telles croissances ne peut qu'être un atout majeur pour une meilleure maîtrise technologique. Notamment, la connaissance approfondie des instabilités intervenant lors de la croissance permettraît d'une part d'éviter une déstructuration de la surface cristalline mais aussi de favoriser l'émergence de structures spécifiques lors même du processus de croissance (macromarches sur lesquelles on peut appuyer la croissance de fils quantiques ou création de plots lors d'instabilités d'origine élastique qui permettront la création de boîtes quantiques - croissance de type Stranski-Krastanov). Cette autostructuration de la surface cristalline en croissance, bien qu'encore utopique pour des réalisations industrielles commence à être de mieux en mieux maîtrisée [#!Maroutian99!#] grâce à une connaissance de plus en plus approfondie des mécanismes physiques sous-jacents.

Les fondements de la physique des systèmes thermodynamiques à l'équilibre sont depuis longtemps bien établis. On sait décrire avec une bonne précision l'état d'équilibre de la plupart des systèmes physiques. Au début du siècle (1901), Wulff mis au point une construction géométrique célèbre qui porte désormais son nom permettant, à partir des données thermodynamiques, de déterminer la forme d'équilibre d'un cristal. Cependant, les formes géométriques des cristaux observés dans la nature concordent rarement avec celles prévues par l'équilibre thermodynamique. L'exemple le plus frappant est certainement celui des cristaux de neige dont la forme compacte à l'équilibre thermodynamique (fig. [[*]-a)]) ne ressemble en rien à la structure complexe en étoile des flocons de neige (fig. [[*]-b)]).

Figure: Cristaux de glace.
\includegraphics[width=5.5cm,angle=0]{../Images/ice_VI_C.eps} \includegraphics[width=6.5cm,angle=0]{../Images/snowflak_C.eps}
a)Cristal de glace VI à l'équilibre thermodynamique (0,9 GPa, 295 K). b)Flocon de neige typique

La raison en est que le cristal s'est formé à des conditions de température et de pression ne correspondant pas aux conditions d'équilibre thermodynamique de la transition vapeur-solide de l'eau. La relaxation du système vers l'équilibre thermodynamique peut être très lente (c'est le cas de la plupart des solides pour lesquels les processus de diffusion sont extrêmement lents), le solide se trouve alors comme « gelé » dans un état n'étant pas celui de son équilibre thermodynamique. La forme du système étudié n'est plus donnée comme dans le cas de l'équilibre par la minimisation d'une fonctionnelle d'énergie. Il en est de même pour les systèmes que l'on maintient hors de l'équilibre par apport d'énergie ou de matière. Il faut dans ce cas prendre en compte la cinétique d'évolution du système, c'est-à-dire décrire la façon et la vitesse à laquelle se font les échanges de matière et d'énergie au sein du système. Il s'agit là de systèmes ouverts ; sont concernés, tous les systèmes physiques en croissance. Les surfaces vicinales en croissance par épitaxie entrent dans cette catégorie. Le flux d'atome auquel sont soumises ces surfaces les maintient hors équilibre. Il en est de même pour une surface vicinale en évaporation ou soumise à un courant électrique. La description dynamique de tels systèmes doit donc prendre en compte convenablement la cinétique mise en jeu. Une approche phénoménologique peut être adoptée pour décrire la dynamique d'évolution de la surface (une discussion à ce sujet est présentée en annexe [*]). Fondée sur des principes généraux de symétrie et de lois de conservation, elle permet une classification générique des comportements dynamiques rencontrés [#!Csahok99!#] en classe d'évolution. Cependant une telle approche reposant sur des principes très généraux et donc indépendants de systèmes physiques particulier ne permet pas de rendre compte des mécanismes physiques intimes du système étudié. Il faut pour cela disposer d'un modèle « microscopique » détaillant la façon dont s'effectuent les processus de transfert de matière ou d'énergie au cours du temps. C'est cette approche que nous adoptons dans la présente thèse. Les mécanismes physiques mis en jeu dans la dynamique des surfaces vicinales sont modélisés dans un cadre thermodynamique à l'aide du modèle maintenant bien connu de Burton, Cabrera et Frank (BCF) [#!BCF51!#] que nous présentons dans le chapitre suivant.



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fred 2001-07-02